FEVRIER

Que la Paix du Seigneur soit avec vous!

Mgr Mamberti, premier cardinal corse depuis plus d’un siècle

 

Au service de l’administration de la justice dans l’Église

Discret, le jeune cardinal Dominique Mamberti s’est toujours tenu à distance des médias, auxquels il n’a jamais donné aucune interview. D’où sa traversée, consciencieuse et réservée, exclusivement axée sur sa mission de « ministre des affaires étrangères » du Saint-Siège, des tourmentes de la fin du pontificat de Benoît XVI, qui l’avait nommé en 2006 secrétaire pour les relations avec les États.

UN LIEN VITAL AVEC LA CORSE

Le pape François l’avait confirmé dans ces fonctions, fin août 2013, avant d’en faire, le 8 novembre dernier, son « premier magistrat » comme préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique, instance juridique suprême du Vatican.

Fils unique d’un fonctionnaire civil de la défense, né le 7 mars 1952 à Marrakech (Maroc), mais issu du village de Vico (Corse), Mgr Mamberti a toujours conservé un lien vital avec son île. C’est peut-être dans cette insularité native qu’il faut trouver l’origine de son goût, professionnel et pastoral, pour les affaires du monde. Après des études de droit public à Strasbourg, puis le Séminaire français de Rome et l’Université pontificale grégorienne, le jeune prêtre ordonné en 1981 par Mgr Jean-Charles Thomas, évêque d’Ajaccio, entre en 1984 à l’Académie ecclésiastique pontificale, l’« ENA de l’Église ».

EXPERT DU DIALOGUE MULTILATÉRAL

Ses premières affectations, de 1986 à 1993 à Alger puis au Chili, sans oublier trois années à la nonciature de Beyrouth (Liban), de 1996 à 1999, nourriront son attention pour les communautés chrétiennes en difficulté, les délicats équilibres interreligieux et interconfessionnels. De même, ses trois années auprès Nations unies à New York (1993-1996) feront de lui un expert du dialogue multilatéral. Et ses quatre années comme nonce au Soudan, de 2002 à 2006, en charge de l’Érythrée et de la Somalie, lui feront vivre en direct les fractures du monde.

PILIER DE LA PRÉSENCE FRANÇAISE AU SAINT-SIÈGE

Depuis, il s’est investi, comme il l’a déclaré le jour de sa nomination, dans le « dialogue entre civilisations, cultures et religions, auquel personne ne peut se soustraire ». Fin 2014, il plaidait encore la cause de la paix en Syrie devant l’assemblée générale des Nations unies, et celle de la transparence financière devant Interpol… Moyen-Orient, Vietnam, Russie et Chine ont été au cœur de ses préoccupations. Sans oublier le récent accord entre Cuba et les États-Unis, discrètement tissé par la diplomatie pontificale.

Préoccupé par le « relativisme moral, le durcissement du laïcisme et l’érosion de la liberté de conscience » comme il le disait à Radio Vatican il y a un an, Mgr Mamberti est l’un des piliers de la présence française, historiquement amoindrie, à la Curie.

Mgr Mamberti, préfet du Tribunal suprême de la Signature Apostolique, sera le premier cardinal corse depuis plus d’un siècle. Il salue la « véritable proximité spirituelle » entre le peuple corse et le Vatican.

« Ma nomination n’est pas une promotion »

« Ma nomination comme cardinal n’est pas une promotion, une dignité, mais avant tout la nomination dans le collège des cardinaux qui est chargé d’élire le pape et de le conseiller pour les questions d’importance majeure dans le gouvernement de l’Église », souligne-t-il.

Le cardinal désigné a pris ses fonctions de préfet du Tribunal suprême de la Signature Apostolique en janvier. Il explique le rôle de ce tribunal « préposé à l’administration de la justice dans l’Église », avec « des compétences juridictionnelles, un peu comme la Cour de cassation du Saint-Siège ».

Le Tribunal « doit trancher les contentieux administratifs, c’est à dire les recours contre des décrets des congrégations romaines ». Mais il exerce aussi une « vigilance sur les tribunaux ecclésiastiques du monde entier ».

Il s’agit d’assurer « une bonne administration de la justice dans l’Église, partout dans le monde » : « Les tribunaux des diocèses ou régions apostoliques envoient chaque année une relation à la Signature apostolique avec les statistiques de leurs jugements et la description de leurs travaux. »

Trente ans au service de la diplomatie vaticane

Mgr Mamberti évoque également son expérience « de plus de trente ans dans le service diplomatique du Saint-Siège » : avant d’être nommé à la Signature apostolique, il était Secrétaire pour les relations avec les États (2006-2014).

« Je quitte ce domaine avec une certaine nostalgie, surtout pour les personnes que j’ai rencontrées et avec lesquelles j’ai travaillé », confie-t-il en rendant hommage à l’équipe « extraordinaire à la fois par sa compétence et son dévouement » travaillant à la Secrétairerie d’État.

« Cela a été une très grande grâce de pouvoir exercer ce service, c’est à dire de connaître et d’être au service des Églises dans le monde entier. Et de pouvoir ainsi être témoin de la diversité et de la richesse spirituelle de toutes les communautés chrétiennes dans le monde comme de leur unité dans la communion », ajoute-t-il.

Les liens de Mgr Mamberti avec la Corse

Originaire de Vico, Mgr Mamberti se dit « fier d’être le premier cardinal corse depuis plus d’un siècle » : déjà, son titre « d’archevêque titulaire de Sagone » – ancien diocèse corse – recréé pour lui par le pape Jean-Paul était « une façon de maintenir un lien spirituel avec la Corse ».

« Les racines sont fondamentales pour toute personne et cela compte beaucoup pour les Corses », note-t-il : « Le village de Vico est aussi un élément important en raison du nombre de prêtres qui sont issus de la région tout comme de trois évêques récents qui en viennent, Mgr Arrighi, Mgr Zevaco et moi-même. Le supérieur général des oblats de Marie Immaculée m’a récemment envoyé un livre sur le Père Albini et je crois que les fruits spirituels de ce dernier au couvent de Vico se sont aussi manifestés par ces vocations et par la vie chrétienne dans le canton ».

L’archevêque fait état de « liens historiques documentés entre la Corse et le Saint-Siège », qui se sont développés « en raison de la proximité géographique » mais aussi d’une « véritable proximité spirituelle » : « J’ai toujours été frappé de la dévotion des Corses envers le pape. »

Il salue au sein du peuple corse « un riche patrimoine spirituel, surtout de religiosité populaire » : « Mais pour être vraie, la foi doit être intériorisée et vécue. Et cela, chaque génération, chaque personne est appelée à le faire pour son propre compte, puisant dans ce riche héritage et le mettant en pratique jour après jour. Cela nous appelle nous chrétiens à être davantage cohérents », conclut-t-il.